Chronique|

Adieu, Maureen

C’est une bien triste page d’histoire qui s’est écrite, jeudi, dans le secteur Cap-de-la-Madeleine, alors que des milliers de policiers venus de partout en Amérique du Nord ont porté la policière Maureen Breau à son dernier repos, dans une cérémonie d’une ampleur jamais vue dans la région.

CHRONIQUE / «Il n’y a pas assez d’étoiles dans le ciel pour compter le nombre de fous rires que nous avons eus toi et moi. Dire que tu en es maintenant une, la plus brillante de la voie lactée. Je t’aime mon amie.» La voix brisée de la sergente Véronique Nadeau a traversé la basilique Notre-Dame-du-Cap, mais aussi le coeur de tout le Québec, jeudi après-midi, en rendant hommage à sa meilleure amie, Maureen Breau.


Le 30 mars dernier, le duo qui avait patrouillé ensemble pendant sept ans allait enfin se réunir pour le dernier quart de Maureen comme patrouilleuse. La sergente allait ensuite faire son entrée comme enquêteure aux crimes majeurs. Trois jours… trois jours après sa mort, elle devait quitter la patrouille.

«Tu avais l’avenir devant toi, tant de beaux projets avec Dan et les enfants, et ça t’a été enlevé. Nous devons maintenant trouver le courage de poursuivre dans cette profession et de croire au système de justice que nous représentons», a ajouté la meilleure amie de Maureen.

C’est une bien triste page d’histoire qui s’est écrite, jeudi, dans le secteur Cap-de-la-Madeleine, alors que des milliers de policiers venus de partout en Amérique du Nord ont porté la policière Maureen Breau à son dernier repos, dans une cérémonie d’une ampleur jamais vue dans la région. Une cérémonie émouvante précédée d’un cortège tout au long duquel des citoyens se sont massés pour saluer le sacrifice ultime d’une femme, d’une maman, qui a payé de sa vie pour protéger la société.

Au son des cornemuses et des tambours, le cortège a avancé lentement pendant près de trois kilomètres jusqu’au Sanctuaire Notre-Dame-du-Cap. Des milliers de policiers venus rendre un dernier hommage à Maureen. Des milliers de policiers qui savaient très bien, en franchissant chaque pas, qu’à n’importe quel instant de leur carrière, ils auraient eux aussi pu se retrouver à la place de leur collègue regrettée.

L’arrivée de cet immense cortège aura demandé un certain temps à placer à l’intérieur de la basilique, une logistique impressionnante pour faire entrer plus de 3500 personnes au sanctuaire, et de nombreux autres policiers, partenaires, retraités et proches dans des chapiteaux aménagés juste à côté.

Puis, le corbillard s’est approché de la porte. Les cloches se sont mises à sonner. Le silence s’est fait un peu partout autour, interrompu seulement par le chant des oiseaux qui chantaient cette journée printanière. Un soleil radieux qui tranchait avec la lourdeur que chacun portait quelque part dans son coeur.

Dans ce silence et cette procession, tout est soudainement devenu si réel. Ce qui s’est passé à Louiseville le 27 mars dernier était final et sans appel. Maureen Breau ne rentrerait jamais chez elle, auprès de son conjoint Daniel et de ses enfants Khéraly et Emrick.

Ce trio qui faisait sa plus grande fierté, avec qui elle avait encore tant de beaux projets à réaliser, sa petite famille dont les photos tapissait les murs de son casier au poste de police de Louiseville, il s’est lentement approché de l’autel pour y déposer une gerbe de fleurs. Les parents de Maureen, Laurette et Michel, et sa soeur, Wrendy, se sont joints à eux pour allumer le cierge qui avait pour une première fois été allumé au baptême de la petite Maureen. Une lumière qui venait boucler la boucle d’une vie fauchée injustement et beaucoup trop tôt.

Tour à tour, les dignitaires se sont succédé pour venir témoigner leur soutien à la famille et aux proches de Maureen, mais aussi à l’ensemble de la communauté policière.

Malgré une brochette de ministres du gouvernement caquiste, avec la vice-première ministre Geneviève Guilbault en tête, l’absence du premier ministre François Legault, en congé planifié depuis quelque temps, a été fortement remarquée lors de cette importante cérémonie. Ça sourcillait fort au sanctuaire lorsqu’on évoquait cette absence, même si personne n’en aura fait de déclaration officielle. Pourtant, il s’agit de la première policière assassinée en devoir depuis 1990 à la Sûreté du Québec, la police nationale. Un décès qui fera d’ailleurs l’objet d’une enquête publique du coroner, et qui méritera un énorme travail de la part des parlementaires au cours des prochains mois pour répondre aux nécessaires changements que plusieurs réclament, tant dans la divulgation des informations entre les systèmes de justice, de police et de santé, mais également aux normes établies par la Commission d’examen des troubles mentaux pour établir les remises en liberté.

Si le premier ministre avait été présent aux funérailles de Guy Lafleur en mai 2022, on peut se demander pourquoi il n’a pas été présent ici.

Sur le parvis de l’église, les partenaires de Maureen qui étaient présents lors de la soirée fatidique avaient une place privilégiée dans le cortège. L’un d’eux avait même été blessé lors de l’altercation avec le suspect, Isaac Brouillard Lessard, qui avait été abattu peu de temps après. Une blessure jamais aussi vive que celle de devoir vivre avec l’absence de cette collègue et amie, qui aurait sauvé la vie de son partenaire cette soirée-là.

Tous ses collègues du poste de la MRC de Maskinongé ont également pu suivre de très près le corbillard qui amenait leur collègue et amie vers ce dernier au revoir. À tout instant, la directrice générale de la Sûreté du Québec, Johanne Beausoleil, a assuré à ces policiers le soutien nécessaire pour traverser cette épreuve, qui a grandement ébranlé le poste de police.

«Ton décès ne doit surtout pas être en vain. Tu es notre héroïne, nous ne t’oublierons jamais», a lancé Jacques Painchaud, le président de l’Association des policières et policiers provinciaux du Québec. Ne pouvant retenir ses larmes, M. Painchaud a concentré ses énergies à parler de Maureen. Il n’y avait pas de place, jeudi, pour les discours revendicateurs ou l’appel à la signature de la pétition réclamant un meilleur encadrement des personnes remises en liberté ayant un passé connu de violence ou de troubles mentaux.

Ce n’était pas le temps. Jeudi, c’était la journée de Maureen Breau, rien d’autre.

Le fleurdelisé qui ornait le cercueil de Maureen a été remis à son conjoint. Son képi a été donné à ses enfants. Le cortège s’est lentement remis en marche vers la sortie du sanctuaire, au son d’Amazing Grace, vers la lumière du soleil qui entrait à pleins rayons par les portes centrales de la basilique.

Une lumière qui nous laissait collectivement espérer que jamais, la vie de cette femme vivante, enjouée et lumineuse ne sera oubliée.