Conduite d'urgence: criminaliser ou interdire?

Le Directeur général de la Sûreté du Québec a annoncé le retrait de la circulation de tous les véhicules semi-banalisés et semi-identifiés.

L'Association des policières et policiers provinciaux du Québec (APPQ) a récemment lancé un mot d'ordre à ses membres de ne plus utiliser les véhicules semi-banalisés et semi-identifiés incluant les véhicules monochromes dont les bandes réfléchissantes et logos sont de la même couleur que celles du véhicule, et ce, aux fins d'activités de patrouille et d'interception en matière de sécurité routière, puisque ces véhicules sont généralement jugés davantage à risque d'accident que les auto-patrouilles conventionnelles. Vingt-quatre heures plus tard, le Directeur général de la Sûreté du Québec annonçait le retrait de la circulation de tous les véhicules de ce type.


L'APPQ a recommandé également à ses membres une «très grande prudence lors de réponses aux appels, de même que lors d'interception en matière de sécurité routière et, pour ce faire, dans la mesure du possible que soient respectés la limite de vitesse et l'ensemble de la signalisation identifiée par le Code de la sécurité routière».

Cette situation est révélatrice d'une problématique bien réelle, répandue dans l'ensemble des organisations policières au Québec, puisque dans la plupart des accidents survenus quand nos policiers répondent aux appels d'urgence, il y a une enquête puis une évaluation du Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) afin de savoir si des accusations criminelles seront portées contre le policier conducteur. Durant ces enquêtes, les policiers sont suspendus pendant plusieurs mois. Lorsque des accusations sont portées, cette suspension est prolongée de plusieurs années, et celles-ci peuvent aboutir, en plus de la perte d'emploi, à des peines sévères d'emprisonnement, surtout depuis certaines modifications au Code criminel apportées par le gouvernement Harper.

Une situation qui est pour le moins embarrassante lorsqu'on sait que l'état d'esprit qui anime les policiers qui se rendent sur un appel d'urgence est avant tout dicté par un désir sincère de dévouement et de servir la société au détriment parfois de leur propre sécurité.

Sans qu'il soit nécessaire de référer à un cas particulier, les policiers ne sont pas non plus à l'abri de cas de figure, par exemple lorsqu'un automobiliste fait une fausse manoeuvre en ne respectant pas la signalisation routière alors que le véhicule de police roule gyrophares allumés et sirène hurlante.

Malheureusement, dans notre société et dans ce domaine en particulier, les accidents n'existent plus, il n'y a que des responsables éventuels qu'il faut à tout prix punir criminellement. À cet égard, plusieurs intervenants du milieu observent, avec déception, une tendance lourde de la part du DPCP dans l'exercice de sa discrétion à déposer des accusations dans ces situations.

Je crois qu'un débat de société qui concerne l'ensemble des services d'urgence est absolument nécessaire, afin que des balises claires soient instaurées, et ce, afin de rétablir le fragile équilibre entre le devoir d'agir rapidement et la responsabilité criminelle lors d'événements malheureux.

À défaut, les policiers et les différents intervenants des services d'urgence seront alors justifiés de se poser la question de savoir s'il ne serait pas plus sage de s'interdire la conduite d'urgence avec des véhicules qu'on dit pourtant d'urgence, puisqu'il semble y avoir une volonté d'engager systématiquement leur responsabilité criminelle lors d'accidents.

Le maintien du dévouement des intervenants des différents services d'urgence et la sécurité du public en général exigent ce débat. En conséquence, l'APPQ demande à ce que nos politiciens et les organisations policières trouvent le temps, l'énergie et le courage de le mener à bien.

Pierre Veilleux, président de l'Association des policières et policiers provinciaux du Québec