Des milliers de policiers défilent aux funérailles de la sergente Maureen Breau

TROIS-RIVIÈRES, Qc — «Maureen, ta perte est une tragédie sans nom. Nous sommes convaincus que tu nous accompagneras dans notre désir de changer les choses. Ton décès ne doit surtout pas être en vain.»

Premier à prendre la parole aux funérailles de la sergente Maureen Breau, jeudi à la basilique du sanctuaire Notre-Dame-du-Cap, à Trois-Rivières, Jacques Painchaud, le président de l’Association des policiers provinciaux du Québec, a donné le ton en rendant hommage à la policière, brutalement assassinée dans l’exercice de ses fonctions le 27 mars dernier.

La cérémonie avait été précédée par l’arrivée d’unevéritable marée d’hommes et de femmes en uniforme, montée à l’intérieur et autour de la basilique, venus saluer une dernière fois la policière aux abords du fleuve Saint-Laurent. 

Près de 4000 policiers et policières — surtout de la Sûreté du Québec, mais aussi de corps policiers de partout au Canada et du nord-est des États-Unis — ainsi que de nombreux premiers répondants de divers services ont défilé en cortège sur une distance d’un peu plus de trois kilomètres sous un soleil radieux. 

Tout comme l’avait fait M. Painchaud avant elle, la vice-première ministre Geneviève Guilbault a rappelé que le travail policier est «un choix de vie exceptionnel et courageux qui se fait au quotidien, toujours au péril de sa vie (…) le choix de vie sans doute le plus noble qu’on puisse faire, à savoir de placer sa vie au service de celle des autres.»

La directrice générale de la Sûreté du Québec, Johanne Beausoleil, a également fait valoir avec émotion que «la profession de policier est une vocation qui comporte des risques réels dans un monde de plus en plus complexe.»

Les plus grands moments d’émotion sont toutefois venus lors du dernier témoignage, celui de la sergente Véronique Nadeau, meilleure amie de la sergente Breau, avec qui elle avait patrouillé durant sept ans: «Tu étais ma meilleure amie, une sœur que la vie avait oublié de me donner, mais que le travail m’avait permis de rencontrer», a-t-elle déclaré lors d’un hommage où sa voix s’est brisée à plusieurs reprises alors qu’elle contenait ses larmes en racontant les détails de leur amitié. 

Des écrans géants avaient été installés pour retransmettre la cérémonie au bénéfice de ceux qui ne pouvaient prendre place à l’intérieur. D’immenses chapiteaux avaient également été installés aux abords de la basilique pour accueillir l’imposante foule.

De nombreux élus assistaient à la cérémonie, dont le ministre de la Sécurité publique, François Bonnardel. Le premier ministre François Legault, en congé, n’y était pas. Il a toutefois publié un gazouillis dans lequel il a offert «toutes mes sympathies à la famille et aux proches. J’ai une pensée pour ses collègues de la Sûreté du Québec et le milieu policier. Merci pour ce que vous faites. Courage».

En mêlée de presse à la suite de la cérémonie, Mme Beausoleil a reconnu que les collègues de Mme Breau avaient dû se tourner vers l’aide et le soutien que le corps policier leur offrait et continuerait de leur offrir: «J’ai eu énormément de remerciements, alors je pense qu’on est capable de soutenir nos gens aujourd’hui, mais aussi demain parce que ça ne sera pas terminé.»

François Bonnardel, qui n’a pas pris la parole durant la cérémonie, a invitéla population à exprimer sa reconnaissance aux représentants des forces de l’ordre: «Il ne faut pas l’oublier; on les tient pour acquis, nos policiers, nos policières, ces hommes et femmes qui patrouillent jour après jour, qui protègent nos rues, qui nous protègent. C’est peut-être le moment pour ceux qui nous écoutent, de s’arrêter, de leur dire merci pour leur travail, merci pour leur sacrifice.»

Son collègue Ian Lafrenière, responsable des Relations avec les Premières Nations et ancien policier, a fait valoir que la démonstration de soutien de tous ces policiers était cruciale: «Ça va aider, ça va porter nos policiers pendant les prochaines semaines, les prochains mois. Ça va être difficile. Il faut se le dire, c’est extrêmement difficile de partir travailler, de laisser nos enfants derrière soi et de pas savoir si on va venir à la fin du quart de travail.» 

Maureen Breau, une policière qui avait 20 ans de service, est morte lors d’une intervention auprès d’un homme qui avait menacé des voisins dans un édifice à logements du centre-ville de Louiseville.

L’individu en question, Isaac Brouillard-Lessard, s’était rué sur elle avec une arme blanche. Il a été abattu sur place par d’autres policiers venus en renfort.

Dangereux, mais libre

L’affaire a mené à une importante réflexion au sein des autorités, l’assassin étant considéré comme un risque important pour la société par la Commission d’examen des troubles mentaux, qui l’avait tout de même remis en liberté malgré son lourd dossier. Appréhendé pour des crimes violents à cinq reprises depuis 2014, Isaac Brouillard-Lessard avait été reconnu non criminellement responsable pour cause de troubles mentaux chaque fois.

Le 4 avril dernier, à la suite de pressions importantes de l’Association des policiers provinciaux du Québec (APPQ, le syndicat qui représente les policiers de la SQ), le ministre Bonnardel annonçait le début de travaux pour évaluer la faisabilité de leur principale demande, soit le partage de renseignements sur l’état mental de personnes libérées.

Lors de la commission parlementaire qui se penche sur le projet de loi 14 touchant les services policiers, le ministre Bonnardel précisait que les sous-ministres à la Sécurité publique, à la Justice et aux Services sociaux se rencontreraient rapidement «pour évaluer de quelle façon, légalement ou non, on pourrait transmettre des informations pour des cas particuliers de santé».

«Mme Breau ne sera pas tombée au combat pour rien», avait-il alors ajouté.

La divulgation de renseignements sur la santé mentale d’une personne est un enjeu délicat puisque règle générale, le dossier médical d’un patient est confidentiel. 

Critères de libération à revoir

L’APPQ demande par ailleurs une révision des critères de la Commission d’examen des troubles mentaux du Québec dans les cas de libération d’une personne éprouvant des problèmes de santé mentale.

La même journée, François Bonnardel demandait à la coroner en chef de déclencher une enquête publique sur la mort de la sergente Breau, enquête qui a été confiée à la coroner Me Géhane Kamel. Me Kamel sera assistée par Me Dave Kimpton, procureur aux enquêtes publiques.