Interrogatoire d’Yvan Truchon: la police défend ses méthodes

Yvan Truchon

Le président de l’Association des policiers provinciaux du Québec, Dominic Ricard, n’a pas du tout aimé la plaidoirie du criminaliste Jean-Marc Fradette qui s’en est pris, la semaine dernière, aux méthodes d’interrogatoire de la Sûreté du Québec pour demander l’arrêt des procédures dans le procès d’Yvan Truchon.


Me Fradette a qualifié le style d’interrogatoire mené par le policier Éric Gauthier de « pire que dans District 31 », estimant qu’on a violé son droit de garder le silence et discrédité son avocat pour tenter d’obtenir des aveux.

« Je ne peux pas laisser passer ça. Ça porte ombrage au travail des enquêteurs de la Sûreté du Québec et leur crédibilité est remise en question », a dit, en entrevue, le président du syndicat des policiers.

De ce qu’il a pu lire dans le journal, il estime que l’enquêteur a agi selon les méthodes enseignées à l’École nationale de police de Nicolet. « Dire qu’avec cette méthode le suspect n’a pas le choix de s’incriminer, c’est faux. Nos enquêteurs travaillent avec éthique et professionnalisme et tout est validé par l’Institut national de police. »

Selon le policier qui est lui-même enquêteur, ce n’est pas vrai qu’on doit arrêter de poser des questions dès que l’individu invoque son droit au silence. « Il y a des limites que nous imposent les tribunaux, mais on a le droit d’insister et de tenter d’obtenir des aveux. On a une marge de manœuvre avant que tout ça devienne une détention illégale. Ce n’est pas après le premier refus de parler. »

Dominic Ricard estime que l’interrogatoire peut aussi permettre à un suspect de s’innocenter et aiguiller les enquêteurs sur une autre piste. « C’est le travail que la population attend de nous. Pour résoudre des crimes, il faut poser des questions, mais certains ne parleront jamais et on respecte leurs droits. »

Selon lui, le procureur des poursuites criminelles et pénales connaît bien le droit et n’hésiterait pas à retirer des accusations s’il devait constater que ceux d’un individu n’ont pas été respectés. « Ça s’est déjà vu. »

Le président de l’Association des policiers provinciaux du Québec, Dominic Ricard.

Formations

Lors des travaux de la cour, Me Fradette s’est interrogé sur la formation continue des policiers pour que leurs méthodes respectent les jurisprudences des tribunaux. « Ça faisait partie de notre mémoire présenté au Comité consultatif sur la réalité policière (créé par la ministre de la Sécurité publique Geneviève Guilbault en décembre 2019 et dont le rapport a été présenté en mai dernier) où nous avons demandé que les policiers, quelle que soit leur fonction, qu’ils soient gendarmes ou enquêteurs, aient de la formation continue obligatoire. »

Le comité a décidé que ce serait 30 heures par année, tout ça sous la supervision de l’Institut national de police.

« La société évolue, le droit évolue, les décisions des tribunaux fixent nos balises et on fait des mises à jour. »

Dans sa plaidoirie, Me Fradette a pointé l’insistance du policier à aborder la question du suicide avec l’athlète almatois. Sans en connaître tous les détails, Dominic Ricard affirme qu’il n’y a là rien d’inhabituel. Que ça fait partie du travail du policier de s’assurer que le suspect qu’il a devant lui n’a pas des idées noires.

« Même si toute comparaison est boiteuse, il y a des crimes pires que les autres. Être accusé d’un crime sexuel, quand tu n’as jamais eu affaire à la justice, ça peut avoir des conséquences graves. On a vu aussi des personnes accusées à tort, on a vu ça chez des professeurs. Un professeur ayant une bonne réputation et accusé à tort pourrait décider de poser un geste irréparable. On doit donc s’assurer que la personne va bien et quand elle ne parle pas, c’est difficile de voir à quoi elle pense, si elle a des idées noires. Si on n’est pas rassuré, on ne peut pas la laisser partir. »

Cette plaidoirie, affirme M. Ricard, déconsidère le travail des policiers « et je ne peux pas me permettre ça ».