DÉCISION ARBITRALE

Refus d’une promotion – Service de police SPVM

Ville de Montréal et Fraternité des policiers et policières de Montréal inc., décision de Me Jean-Pierre Lussier du 17 mai 2013


Le plaignant est au service du SPVM depuis 1999. En septembre 2011, il est promu à titre d’agent senior. (Notons ici que, lors d’une ouverture de concours en 2010, le plaignant applique pour un poste de superviseur de quartier, où il a obtenu le septième rang sur la liste d’éligibilité.) Quelques mois plus tard, soit en décembre 2011 (une fois que le comité de promotion [ci-après «le Comité»] s’est réuni), il est avisé par l’un des membres du Comité que non seulement sa promotion sera retardée tenant compte d’une mesure disciplinaire antérieure, mais aussi qu’il lui sera impossible d’exercer une quelconque fonction supérieure associée au poste d’agent senior.

En fait, lors de l’évaluation de sa candidature pour le poste de superviseur, le Comité a noté que le plaignant avait par le passé, soit en 2006 et 2007 plus précisément, consommé de l’ecstasy ou des speeds, faute pour laquelle il a été sanctionné au niveau disciplinaire. Au moment de la sentence en février 2010, le comité disciplinaire lui avait imposé, notamment, de se soumettre à deux tests aléatoires de dépistage de drogue dans les deux années suivantes, ce qui, au moment de l’évaluation de sa candidature pour le poste de superviseur à l’automne 2011, n’avait pas encore été fait ni même après deux ans de la sanction imposée en février 2010, soit en mars 2012. Le Comité en est arrivé à cette décision en tenant compte de l’antécédent judiciaire du plaignant et en considération des responsabilités liées à la position offerte.

À la suite de cette décision prise par le Comité, le plaignant a déposé, en date du 3 juillet 2012, deux griefs. L’un deux conteste la décision de retirer au plaignant la possibilité d’exercer une fonction supérieure. L’autre conteste le report de l’évaluation de sa candidature pour le poste de superviseur en 2014. Le 17 mai 2013, l’arbitre J.P.L. s’est prononcé sur ces deux griefs.   

Relativement au premier grief, la question qui se pose est la suivante: est-ce que l’employeur pouvait, dans les circonstances, empêcher le plaignant d’exercer une fonction supérieure en tant qu’agent senior? Et, quant au second grief, on s’interroge à savoir si le fait d’avoir reporté l’évaluation de la candidature du plaignant est une décision déraisonnable tenant compte des faits en l’espèce.

Afin de répondre à la première question en litige, soulignons la prétention soulevée par l’employeur à cet égard, suivant la décision de retirer au plaignant l’exercice d’une fonction supérieure. L’employeur, ayant pris la décision de reporter sa promotion à plus tard, ne souhaitait pas que le plaignant effectue indirectement (exécuter une fonction supérieure) ce qui lui a été refusé directement de faire. Pour ce motif, selon l’employeur, il était empreint de bon sens que soit retirée au plaignant la possibilité d’agir en fonction supérieure.

Sur ce, l’arbitre conclut que «la décision du refus d’autoriser le plaignant à agir en fonction supérieure était liée au refus d’étudier sa promotion et que, la seule façon de lui empêcher d’agir en fonction supérieure aurait été de le rétrograder, de lui retirer son poste d’agent senior», ce qui n’est pas ce qui s’est produit dans les faits de cette cause. Cela étant dit, l’arbitre fait droit à ce grief et déclare que le plaignant ne pouvait se faire interdire de travailler en fonction supérieure.

Eu égard à la deuxième question posée en l’espèce, l’employeur prétend pour sa part que, en tant que superviseur de quartier, une personne se doit de «faire preuve de leadership, de capacité de gestion et de vivacité d’esprit». Et de l’avis de l’employeur, le plaignant a commis une faute grave. Par conséquent, il convenait ainsi d’attendre que le temps s’espace davantage entre le moment de l’infraction et le fait d’accorder la promotion.

Pour sa part, le plaignant soumet qu’il a reconnu sa faute, qu’il en a subi les conséquences et que ces fautes remontent à plusieurs années. Du fait qu’il se soit repenti, qu’il fasse l’objet d’excellentes évaluations de ses supérieurs et qu’une sentence disciplinaire lui ait été imposée (dont toutes les formalités exigées soient satisfaites), il devrait et aurait dû en être tenu compte au moment, pour le Comité, d’émettre sa décision.

À cet égard, l’employeur énonce, en se référant au libellé de la clause 24.00 de la convention collective applicable au litige, que «le Comité doit examiner une promotion en fonction de trois critères: la compétence, la bonne conduite et le mérite». (La clause est libellée comme suit:

«Les promotions sont faites, sur recommandation du Directeur, parmi les policiers dont les noms apparaissent sur la liste d’éligibilité, en tenant compte du mérite, de la compétence et de la bonne conduite.»)

En réplique, la partie syndicale suggère que le fait de retarder la promotion du plaignant est une décision déraisonnable du fait «qu’il y a disproportion manifeste entre la faute commise et le temps de réhabilitation et de reconstitution du mérite». En d’autres mots, il s’exprime en affirmant que «selon que le mérite et la bonne conduite du plaignant sont exceptionnels,  il est abusif de lui refuser une promotion suite à une faute qui date de quelques années».

Somme toute, malgré les arguments de la partie syndicale, l’employeur insiste sur le fait que ce n’est pas la compétence du plaignant qui est mise en doute en l’espèce, mais la question du mérite qui cause problème du fait de la gravité de la faute disciplinaire. Soulignons que, relativement à ce troisième critère, l’arbitre énonce que «la nature de l’infraction disciplinaire peut certainement constituer l’un des facteurs dont on peut tenir compte pour apprécier le temps requis pour retrouver le mérite».

S’appuyant sur les arguments de chacune des parties, l’arbitre dans cette affaire, avant de déterminer si la décision de reporter la promotion du plaignant jusqu’en 2014 est déraisonnable,  décrit le rôle du tribunal en ces termes:

«Le rôle du Tribunal, […], n’est pas d’exercer sa propre discrétion à la place de celle du Directeur. Il s’agit plutôt d’examiner la décision du Directeur et de se demander si elle est empreinte d’abus, de discrimination ou si elle possède un caractère déraisonnable, vengeur ou revanchard justifiant une intervention arbitrale.»  

Cela  étant dit, le rôle de l’arbitre se limite donc à vérifier si la décision en l’espèce est abusive ou déraisonnable au point de justifier une intervention arbitrale.

En l’espèce, l’arbitre conclut que la décision n’est pas déraisonnable, en considération notamment du fait que la plaidoirie de culpabilité du plaignant ne remonte qu’en 2010, que la faute commise va directement à l’encontre de ce qu’on attend d’un agent de la paix et que le Comité n’a pas refusé la promotion au plaignant, mais l’a reportée pour ainsi laisser plus de temps s’écouler depuis la faute commise (en février 2010) et la satisfaction des formalités reliées à la sentence (peu de temps après février 2012).