Voici copie d’une lettre adressée à M. Jacques Painchaud par un membre ayant bénéficié des services de La Vigile / La Casa au cours de l’année 2007. Ce membre était alors visé par des procédures judiciaires et quasi-judiciaires.
« Salut Jacques,
Je t’écris ces quelques mots pour te faire part de ma grande satisfaction du centre La Vigile-Casa. J’y suis allé du 6 septembre au 4 octobre 2007. Mon séjour de 28 jours fut un succès grâce au personnel sur place. Dès mon arrivée, M. Benoit Proulx m’a accueilli chaleureusement et m’a mis en confiance. Par la suite, ce dernier, après analyse de mon dossier, a choisi le thérapeute idéal pour m’aider. Bernard Tessier m’a fait travailler fort et m’a permis de me découvrir en profondeur et ainsi grossir mon coffre d’outils pour faire face à la réalité quotidienne. De plus, l’horaire est formidable et les ateliers remarquables. On y fait un joyeux mélange entre le bio-psycho et social, dans le but d’avoir un équilibre dans notre vie. Je recommande cet endroit à tous nos membres sans hésiter.
De plus, je crois que la Sureté devrait aller visiter les lieux et appuyer ses membres dans leur démarche vis-à-vis ce centre. J’ai trouvé une Maison à mon écoute et ce qui est formidable, c’est que leurs portes demeureront ouvertes pour moi si le besoin se fait sentir. Désormais, si le temps devient plus gris, je peux y retourner pour quelques jours pour un ressourcement, et ce, sans limite de temps. De plus, un suivi rigoureux aux deux semaines avec mon thérapeute, donnant suite à la période de 28 jours, ce fait dans le but de s’assurer de la réalisation de mon plan de sortie.
Merci à La Vigile-Casa!
Signé : un agent patrouilleur de la Sûreté du Québec »
« Ce texte se veut un encouragement et un message d’espoir, à ceux qui vivent présentement une situation similaire à celle que j’ai vécue.
Voici un aperçu de ma carrière, d’une épreuve qui aurait pu avoir des conséquences autant au point de vue psychologique que professionnel et de la façon dont je me suis sorti de ce problème qui semblait insoluble à ce moment-là, en ce jour du 28 janvier 2000. Quelle façon de commencer le nouveau millénaire!
Lorsque j’ai enfin joint les rangs de la Sûreté du Québec, le 23 janvier 1978, à l’âge de 28 ans, marié et sans enfant, j’ai enfin atteint le but que je m’étais fixé 10 ans auparavant. J’étais probablement le seul à être convaincu que je serais un jour un policier; mes 10 années d’attente, assombries par trois refus, faisaient maintenant partie du passé.
Les années qui ont suivi ont été le reflet d’une carrière comme je l’avais rêvé. En début de carrière, j’ai été affecté à un poste autoroutier, pour une durée de plus de sept ans, avant d’être transféré en Gaspésie afin de remplacer les agents en poste depuis trois ans. Mon affectation a pris fin suite à la déclaration du diabète juvénile qui faisait en sorte qu’il était devenu impossible d’occuper le poste de patrouilleur et de conduire un véhicule d’urgence. C’était, à cette époque, une première dure épreuve qui s’abattait sur moi et qui remettait en question une carrière dont j’avais toujours rêvé.
Sans ménagement, le gestionnaire m’a ordonné de lui remettre mon permis de conduire pour l’envoyer à la SAAQ « Fini la patrouille » sont ses paroles. Sans le savoir, il m’a donné la motivation pour me battre contre le système établi et faire valoir mes droits auprès de mon employeur. Ceux-ci ont finalement mis à ma disposition un véhicule semi-banalisé qui me permettait de faire du travail policier sans répondre à des appels d’urgence, comme le veut la loi.
L’administration ayant fait son travail, j’ai été transféré au GQG pour être assigné à des tâches administratives dans les bureaux de la formation et du développement. J’avais la responsabilité de la correction des comptes de dépenses. Après une demi-journée de ce travail totalement incompatible avec ma nature, j’ai rencontré le responsable qui m’a écouté et qui m’a indiqué que, si j’étais intéressé, je pouvais me joindre à l’équipe de formateur. Je suis donc devenu le coordonnateur de l’induction des recrues à Nicolet. J’ai occupé la fonction durant deux ans.
À la recherche d’un nouveau défi, j’ai postulé à un poste d’agent de liaison autochtone à Kuujjuaq. Quel défi pour moi que de renouer avec les opérations et contourner par le fait même toutes les restrictions imposées par mon état de santé.
Au terme de cette expérience, ma carrière se poursuivra durant plusieurs années comme porte-parole aux affaires publiques. En 1997, j’obtiens le grade de caporal comme instructeur chef à la salle de tir.
Je suis alors en fonction depuis trois ans, lorsqu’un lundi matin de janvier 2000 un officier se présente et me demande de le suivre au bureau des Affaires internes. Dans les minutes qui ont suivi, il m’informa que j’étais en état d’arrestation pour un événement qui n’avait aucun lien avec mes fonctions, mais plutôt avec un de mes passe-temps que j’ai depuis plus de 20 ans à ce moment-là.
Durant 22 ans, j’ai effectué mon travail avec professionnalisme, sans aucune tache à mon dossier. Tout au long de ces années, j’ai été une personne-ressource dans plusieurs domaines, en plus d’avoir permis à la Sûreté du Québec de rayonner à travers les médias. Tous ces efforts se sont effondrés en quelques minutes, le rêve était terminé, et, quelques instants plus tard, je devais entreprendre un combat pour sauver un emploi qui était assuré il y avait quelques minutes à peine.
J’ai été relevé de mes fonctions puisqu’une enquête criminelle était en cours et, comme les événements n’étaient aucunement reliés à mes fonctions de policier, je ne pouvais pas bénéficier d’un avocat de l’APPQ et je devais me débrouiller seul, sans aide, avec un demi-salaire, et ce, dans un court laps de temps.
Le premier sentiment alors ressenti en est un de détresse, de désespoir et de solitude. Quelques rares amis sont demeurés fidèles et m’ont prodigué des conseils qui m’ont servi par la suite à me reprendre en main et à me redonner la confiance nécessaire pour passer à travers les obstacles au quotidien et se préparer mentalement et financièrement aux procédures à venir, lesquelles durent souvent des années.
Un membre de l’organisation m’a proposé d’utiliser le Programme d’aide au personnel. J’y ai réfléchi longuement et, puisque mentalement je me sentais bien et que je n’avais rien à me reprocher, j’ai décidé d’affronter seul le long processus judiciaire, de franchir les étapes une à une, sans jamais regarder l’issue à long terme, puisque j’étais convaincu de mon innocence et de mon retour au travail, le tout sans être capable de le situer dans le temps.
La plus grande difficulté, lorsque vous êtes le héro de vos enfants, a été de leur cacher la vérité, afin de ne pas nuire à leur concentration dans les études. Il y a aussi la famille immédiate à qui j’ai décidé de tout cacher étant donné que mes parents combattaient des cancers et recevaient des soins aux États-Unis et avaient besoin de toutes leurs énergies; une nouvelle semblable aurait pu grandement les affecter.
Il fut très difficile de gérer ma double vie durant ces quatre années et demie et d’avoir à fournir régulièrement, sur mon travail, la raison pour laquelle on ne me voyait plus en uniforme.
Dans les premières semaines, je me suis trouvé un emploi, qui comblait facilement le manque à gagner et qui me permettait, en plus, d’amoindrir les coûts engendrés par la défense. Il est alors important de s’occuper l’esprit et de penser à autre chose que la situation dans laquelle on se trouve.
Le maintien de contact avec les amis les plus fidèles et les membres actifs a été bénéfique dans les moments les plus durs.
Entre mon arrestation et la fin des procédures criminelles, il s’est écoulé 14 mois. Le juge a mis fin aux procédures et a ordonné le retrait des deux chefs d’accusation lors de l’enquête préliminaire. C’était une première grosse étape de franchie, mais je savais qu’il restait beaucoup à faire jusqu’à ma réintégration dans mes fonctions.
De nombreux entretiens avec un représentant syndical m’ont permis de faire le point et de comprendre que la partie était loin d’être gagnée, que la vraie bataille commençait entre notre syndicat et nos bons amis des Affaires internes, et que l’enjeu était le maintien de mon emploi. Cette partie de bras de fer s’est échelonnée sur 40 mois.
Dès les premières démarches entre les membres du syndicat et les représentants des Affaires internes, ceux-ci ont clairement indiqué que leur intention était de demander ma destitution, en soutenant que le lien de confiance était rompu vu la nature des accusations déjà portées, et ce, même si les accusations avaient été retirées.
Au cours de ces 40 mois, il y a eu plusieurs rencontres avec le syndicat, l’avocat et moi-même, sans compter les négociations directes entre le syndicat et les Affaires internes.
Au terme de cette saga, il y a eu règlement des différents griefs et le dossier a finalement été réglé à ma satisfaction. Je tenais absolument à réintégrer la fonction que j’avais quittée, même si ce poste avait été comblé. Ce fut accordé. J’ai aussi été en mesure de récupérer ma demi-solde, dans une entente, qui ne pouvait faire jurisprudence et servir dans une cause similaire.
Les chances de récupérer mon demi-solde étaient alors pratiquement nulles, mais l’entêtement et la combativité qu’a démontrés le représentant du syndicat ont fait en sorte que les Affaires internes ont plié l’échine et ont accédé aux demandes syndicales.
J’ai donc réintégré mes fonctions, fier de ce que j’avais accompli et prêt à répondre à tous ceux qui avaient des questions sur le sujet ou qui avaient eu vent de rumeurs. À ceux qui me questionnent aujourd’hui et qui pensaient que j’étais retraité, je dis, sans gêne, que j’ai été suspendu pendant plus de quatre ans.
À tous ceux qui sont aujourd’hui dans une situation similaire, je dis que vous devez vous battre et garder espoir. Notre mouvement syndical vous supporte et est prêt à aller à la guerre pour vous. Au besoin, notre Association met à notre disposition diverses ressources, telles que des ressources psychologiques, le Programme d’aide au personnel (PAP), des aidants naturels et le CRDP afin de passer au travers de certaines étapes particulièrement difficiles.
N’oubliez pas que ceux qui voulaient ma destitution, lors de ma réintégration, m’ont suggéré d’occuper un poste à la direction des Communications afin d’agir comme porte-parole de la Sûreté du Québec et d’en être un fier représentant. J’ai compris, à ce moment, que ma crédibilité était toujours aussi forte et que rien ne l’avait ternie au niveau de l’institution.
Mon but premier était de reprendre mes fonctions symboliquement et de prendre ma retraite, ce qui devait être une présence de quelques jours s’est transformé en années. Aujourd’hui, je suis sergent, et mon nom apparaît sur la liste d’éligibilité au grade de lieutenant.
Signé : Michel Brunet, sergent
Auditeur interne
Service de l’audit interne »