L'obligation de divulgation du double emploi suivant la Loi sur la police
Le ministère de la Sécurité publique a récemment émis des lignes directrices en lien avec l’interprétation à donner aux articles 116.1 et 118 de la Loi sur la police’ (ci-après « LP »)
Ces lignes directrices visent également à apporter des précisions sur l’obligation prévue à l’article 118 LP pour tout policier qui occupe un autre emploi, charge ou fonction ou qui bénéficie d’un autre revenu provenant d’un bien ou d’une entreprise, doit, sans délai, en divulguer la nature à son directeur et l’aviser de toute autre situation potentiellement incompatible dans laquelle il se trouve.
Elles prévoient enfin une procédure et des critères d’analyse afin d’aider les directeurs des corps de police à statuer sur les divulgations et les demandes d’autorisation qui leur sont soumises.
Ces directives s’adressent à l’ensemble des corps policiers du Québec.
Le législateur Québécois a prévu en 2017, un article de droit nouveau en édictant l’article 116.1 de la Loi sur la police qui vient maintenant compléter l’article 118 et qui concerne tout policier qui occupe un poste d’encadrement.2
116.1 Tout policier qui occupe un poste d’encadrement doit exercer exclusivement les devoirs de sa fonction. Il ne peut occuper une autre fonction, charge ou un autre emploi ou exercer des activités lui permettant de bénéficier d’un autre revenu provenant d’un bien ou d’une entreprise, à moins d’y être autorisé par le directeur du corps de police. Toutefois, il peut exercer des activités pédagogiques pour lesquelles il peut être rémunéré ou exercer des activités pour lesquelles il n’est pas rémunéré au sein d’organismes à but non lucratif.
Toute contravention aux dispositions du premier alinéa entraîne la suspension immédiate et sans traitement du policier concerné. Le policier doit régulariser sa situation dans un délai de six mois sous peine de destitution.
Cette disposition ne s’applique pas aux policiers visés à l’article 3.0.7 de la Loi sur le ministère du Conseil exécutif (chapitre M-30).
D’ailleurs, l’article 118 LP existait déjà au moment de l’intégration de l’article 116.1, toutefois cet article vise tout policier et non seulement un policier qui occupe un poste d’encadrement.
L’article 118 LP se lit ainsi : Tout policier qui occupe une autre fonction, charge ou un autre emploi ou bénéficie d’un autre revenu provenant d‘un bien ou d’une entreprise doit, sans délai, en divulguer la nature à son directeur. Il doit également l’aviser de toute situation potentiellement incompatible dans laquelle il se trouve.
Tout policier doit remettre à son directeur chaque année, avant le 7er avril, un rapport faisant état, pour les 72 mois précédents, des situations qu’il lui a déclarées en vertu des dispositions du premier alinéa.
De sorte qu’une nuance importante existe maintenant entre un policier qui occupe un emploi régulier et un policier qui occupe un poste d’encadrement. En vertu de l’article 118 LP, un policier peut occuper un autre emploi ou bénéficier d’un autre revenu provenant d’une entreprise, mais il doit sans délai en divulguer la nature à son directeur et l’aviser de toute situation potentiellement incompatible dans laquelle il se trouve.
Un policier qui occupe un poste d’encadrement doit exercer exclusivement les devoirs de sa charge. S’il veut occuper une autre fonction, charge ou autre emploi, il doit être autorisé par le directeur du corps de police.
Quelques définitions 3
« Policier qui occupe un poste d’encadrement » : policier non syndiqué qui exerce une fonction de direction, qui détient des pouvoirs décisionnels et dont les tâches sont principalement caractérisées par la gestion des ressources (humaines, matérielles, financières et informationnelles).
« Exercer des activités permettant de bénéficier d’un autre revenu » : poser des actions concrètes, accomplir un travail permettant à un policier qui occupe un poste d’encadrement de bénéficier de revenus provenant d’un bien ou d’une entreprise.
« Revenu provenant d’un bien » : revenu provenant d’un bien meuble ou immeuble et n’impliquant peu ou pas de travail de la part de celui qui en bénéficie considérant que c’est le rendement du capital investi qui génère des revenus. Les revenus de biens les plus courants sont les intérêts, les dividendes, les redevances et les revenus de location.
« Revenu d’entreprise »: revenu provenant d’une entreprise qu’un policier exploite, notamment à titre de propriétaire unique ou comme membre d’une société de personnes. Un revenu d’entreprise concerne généralement que celui qui en bénéficie consacre des efforts et une partie de son temps à l’exercice d’une activité. Les revenus d’entreprise ne comprennent pas les revenus provenant d’un emploi ou d’une charge.
L’obligation d’obtenir une autorisation ne s’applique pas à un policier qui occupe temporairement un poste d’encadrement. Le policier devient assujetti à cette obligation dès qu’il occupe un poste d’encadrement de façon permanente et qu’il n’est plus membre d’un syndicat de policiers.
Précisons qu’un policier détenant un poste d’encadrement est assujetti à l’obligation de divulgation prévue à l’article 118 LP, laquelle est applicable à tout policier, s’il souhaite exercer des activités pédagogiques pour lesquelles il peut être rémunéré ou des activités pour lesquelles il n’est pas rémunéré au sein d’organismes à but non lucratif.
Dans ces cas, les principes en matière d’incompatibilité et de conflits d’intérêts demeurent applicables. Ainsi, les activités précitées ne doivent pas être de nature à compromettre l’impartialité du policier ou à affecter défavorablement son jugement et sa loyauté. Elles ne doivent pas non plus être susceptibles de nuire à l’intérêt public ainsi qu’à la mission et à l’image du corps de police4.
À retenir que chaque corps de police doit prévoir :
Une procédure encadrant les demandes d’autorisation pour exercer un autre emploi, fonction ou charge pour un policier qui occupe un poste d’encadrement (art. 116.1 LP)
Une procédure encadrant la divulgation pour tout policier qui tire un autre revenu provenant d’un bien ou d’une entreprise dont il bénéficie ou d’autres situations potentiellement incompatibles dans laquelle il se trouve (art. 118 LP)
Un certain nombre de critères d’analyse des demandes qui doivent être faites par écrit doivent être prévus, notamment :
L’identification de l’employeur et la description des tâches liées à l’emploi sollicité, l’horaire de travail ou encore dans le cas de revenus provenant de biens meubles ou immeubles, la description du bien en question, son adresse de localisation et sa vocation et les noms de copropriétaires ou associés dans le cas de revenus d’entreprise.
Une fois ces informations connues, le directeur du corps de police devra analyser en considérant notamment l’horaire de travail et la nature des fonctions exercées, le risque d’être sollicité par l’autre fonction durant les heures de travail et les risques sur le rendement du policier, les risques de conflits d’intérêts, la compatibilité de l’autre fonction avec la charge du policier, le risque de nuire à l’image du corps de police.
Conséquences du non-respect
En omettant de demander une autorisation au directeur de police en vertu de l’article 116.1LP, le policier qui occupe un poste d’encadrement s’expose à une suspension immédiate et sans traitement et celui-ci disposera d’un délai de 6 mois afin de régulariser sa situation.
Notons également que pour tout autre policier qui contreviendrait à l’article 118 LP, l’article 310 de cette même loi prévoit une sanction pénale et une amende pouvant aller d’un montant de 250$ à 2500$.
Des sanctions disciplinaires pourraient aussi être appliquées en lien avec l’application du Code de déontologie policière ou du règlement de la discipline interne de son corps de police.
En cas de refus à votre demande pour double emploi, n’hésitez pas à consulter votre association syndicale afin de déterminer s’il y a matière à grief ou à d’autres recours judiciaires.