Quant à l’intention requise pour engager la responsabilité criminelle, elle requiert que la conduite adoptée s’écarte de façon marquée de la norme de diligence que respecterait une personne raisonnable placée dans la même situation. Ceci implique, d’une part, d’évaluer si une personne raisonnable aurait prévu le risque et pris les mesures nécessaires pour l’éviter. D’autre part, l’omission de prévoir ce risque et de prendre les mesures pour l’éviter doit constituer un écart marqué par rapport à la norme de diligence qu’adopterait une personne raisonnable placée dans les mêmes circonstances.
Pour déterminer si l’intention a été prouvée, le statut de policier est fort pertinent. En effet, sa conduite sera évaluée en fonction de la norme de diligence qu’adopterait un policier raisonnable placé dans la même situation. Cette norme évacue les qualités personnelles du policier accusé. Cependant, compte tenu que la norme du policier raisonnable se rapporte à l’activité qui est exercée – soit la conduite automobile – les formations suivies ainsi que l’expérience dans ce domaine seront pertinentes aux fins d’évaluer la manière dont un policier raisonnable se serait livré à l’activité en cause.
En outre, la faute contributive d’un autre usager de la route – c’est-à-dire lorsqu’un autre usager partage avec l’agent de la paix la responsabilité d’un accident survenu – ne permet pas, à elle seule, à un agent de la paix d’éviter d’engager sa responsabilité criminelle. Cependant, la Cour d’appel du Québec a déjà statué que la faute d’un autre usager de la route doit être prise en compte au moment d’évaluer l’usage qui est fait de la route ainsi que la prévisibilité du risque. Elle peut avoir un impact tant sur la qualification de la conduite que sur la question de l’intention. Il s’agit donc d’un élément pertinent dans l’analyse globale des événements.
Cependant, cet élément n’a pas une importance prépondérante sur l’ensemble des circonstances entourant la conduite du policier. Un policier demeure donc susceptible d’être accusé, voire déclaré coupable de l’infraction de conduite dangereuse même si la victime a effectué une manœuvre contraire au Code de la sécurité routière, voire au Code criminel, par exemple en conduisant avec les capacités affaiblies par l’effet de l’alcool ou d’une drogue.
Par exemple, bien que cette cause soit présentement en appel pour une deuxième fois, un policier circulant à une vitesse deux fois plus élevée que la limite permise pour rejoindre des collègues qui transportaient un prévenu vers l’hôpital a été reconnu coupable de conduite dangereuse. Dans une autre récente cause également portée en appel, un agent de la paix a été reconnu coupable de conduite dangereuse causant la mort après qu’il eût percuté, à une heure où la circulation était dense et dans un quartier résidentiel, un véhicule à 108 km/h, alors que la vitesse permise était de 50 km/h.
Son objectif était alors de rattraper un sujet en filature. Dans ces deux affaires, d’autres usagers de la route avaient enfreint le Code de la sécurité routière et contribué à la survenance de l’accident. Notons également qu’un policier conduisant en situation d’urgence et ayant heurté un piéton en passant sur un feu rouge à une heure de grand achalandage a été trouvé coupable de conduite dangereuse, et ce, même s’il circulait avec les gyrophares activés.
Des accusations ont également été déposées à l’encontre de policiers ayant, par exemple, heurté un autre véhicule à une vitesse d’aussi peu que 15 km/h au-dessus de la limite permise, ou encore ayant roulé à 137 km/h dans une zone de 50 km/h dans une situation d’urgence reliée à une intervention dans un contexte de violence conjugale, bien qu’ils furent ultimement acquittés. Dans ce dernier cas, la faute contributive de la victime fut prise en compte dans l’analyse globale des circonstances ayant mené à l’acquittement du policier. L’individu reconnu coupable d’avoir perpétré l’infraction criminelle de conduite dangereuse avec un véhicule routier se voit automatiquement révoquer son permis de conduire ou suspendre le droit d’en obtenir un. La durée de cette révocation ou suspension variera entre un à cinq ans en fonction de la présence ou non d’antécédents judiciaires reliés à la conduite automobile.
Il est important de mentionner que les antécédents incluent autant les condamnations pour conduite dangereuse que celles en matière, par exemple, de conduite avec les capacités affaiblies par l’effet de l’alcool ou d’une drogue. Bref, s’il est exact d’affirmer qu’un policier est parfois exempté de respecter certaines règles prévues au Code de la sécurité routière, il n’en demeure pas moins que sa façon de conduire doit être raisonnable eu égard aux circonstances.
En raison des importantes conséquences possibles en cas de condamnation, un policier devrait être représenté par un(e) avocat(e) criminaliste dès les premières étapes de l’enquête policière afin d’être assisté adéquatement.